Pour de nombreuses familles, les chalets sont plus qu’un simple actif de valeur : ils sont un lieu où se créent des souvenirs, se perpétuent les traditions et se tissent des liens avec la nature. Shawna Perron, gestionnaire de portefeuille chez Perron & Partners et Cumberland Gestion de patrimoine, en est profondément consciente. Ayant passé les étés de son enfance au chalet familial sur le lac des Bois, en Ontario, elle est sensible à l’importance sentimentale et financière de ce type de propriété. Mais comme l’explique Shawna, lorsqu’il s’agit de transmettre le chalet familial, une bonne planification est essentielle pour éviter les complications futures.
L’équilibre entre sentiments et réalité financière
Selon Shawna, les familles ont souvent du mal à trouver un équilibre entre l’attachement émotionnel à un chalet et les complexités financières qui surviennent lors de la planification successorale. « De nombreuses familles sont très attachées à leur chalet parce qu’il a servi de cadre à beaucoup de souvenirs », explique-t-elle. « Les chalets sont aussi des actifs financiers de grande valeur, ce qui peut entraîner des conflits si les dispositions relatives à l’héritage ne sont pas clairement communiquées. »
Certaines familles peuvent décider que la solution la plus simple consiste à vendre le chalet, puis à répartir le produit de la vente entre les bénéficiaires. Cette solution permet d’éviter les litiges potentiels et la charge fiscale importante qui accompagne souvent l’héritage d’un bien immobilier. En revanche, pour ceux qui souhaitent que le chalet reste dans la famille, une planification minutieuse est essentielle.
« La communication est primordiale », souligne Shawna. « Si plus d’un ménage partage la propriété, tout le monde doit être d’accord sur la façon dont celle-ci sera utilisée, qui couvrira les dépenses et ce qui se passera si l’une des parties veut se retirer. »
Considérations financières pour l’héritage d’un chalet
Shawna relève plusieurs aspects clés de la planification financière pour les familles qui souhaitent transmettre leur chalet à la génération suivante :
Imposition :
Souvent, au fil du temps, les chalets prennent beaucoup de valeur, ce qui entraîne des impôts substantiels sur les gains en capital. Les familles doivent prévoir comment seront payés ces impôts. Sans une planification adéquate, le fardeau fiscal pourrait forcer la vente du chalet.
Abordabilité :
Même si la prochaine génération souhaite conserver le chalet, il peut être difficile pour elle de se le permettre. L’augmentation des taxes foncières, des frais d’entretien et des dépenses liées à l’entretien d’une maison saisonnière peut mettre à rude épreuve les bénéficiaires.
Entretien :
Les familles doivent également décider qui sera responsable des taxes foncières, de l’entretien et des réparations. Établir des accords clairs dès le départ permet d’éviter les litiges futurs.
Liquidités :
Familles doivent prévoir une procédure dans l’éventualité où l’un des bénéficiaires souhaite vendre sa part. La vente d’une part du chalet peut entraîner des complications, surtout si d’autres membres de la famille sont attachés émotionnellement au fait de conserver cette propriété.
Protection :
Shawna conseille aux familles de réfléchir à la manière de protéger le chalet pour qu’il ne fasse pas partie des biens matrimoniaux en cas de séparation ou de divorce. « Il est important de mettre en place des structures juridiques qui empêchent le partage du chalet lors d’un divorce, surtout si l’objectif est de le conserver au sein de la famille », explique-t-elle.
Étude de cas : MacFarland c. MacFarland et le chalet en tant que domicile matrimonial
Une affaire juridique notoire met en lumière les risques qu’un chalet peut présenter lors d’un divorce. Dans l’affaire MacFarland c. MacFarland, M. MacFarland a hérité de sa mère un chalet qu’il a enregistré à son nom. Au fil des ans, sa femme et lui ont investi du temps et de l’argent dans la rénovation du chalet. Bien que le chalet ait été hérité par M. MacFarland et enregistré uniquement en son nom, le tribunal a jugé qu’il s’agissait d’un foyer matrimonial en vertu de la Loi sur le droit de la famille de l’Ontario.
Selon la Loi sur le droit de la famille, toute propriété utilisée comme résidence familiale, même occasionnellement, peut être considérée comme un domicile conjugal. Cela signifie qu’en cas de séparation, la propriété peut être incluse dans le partage des biens familiaux nets, peu importe qui en a hérité ou le nom figure qui sur l’acte.
Dans cette affaire, le tribunal a estimé que le chalet avait été utilisé par la famille comme résidence, en particulier pendant les vacances et les fins de semaine d’été, donc qu’il devait être partagé comme bien matrimonial. Le fait que le couple n’ait pas fréquenté régulièrement le chalet ensemble au cours des dernières années n’a pas modifié la décision du tribunal.
Cette affaire rappelle que, même si un chalet est hérité, il peut toujours faire l’objet d’un partage lors d’un divorce. Shawna conseille aux familles de prendre des mesures pour protéger leur chalet contre de tels risques juridiques. « La constitution d’une fiducie ou la rédaction d’un accord juridique, par exemple un contrat de mariage, peut contribuer à éviter que le chalet ne fasse partie des biens matrimoniaux », explique-t-elle.
La planification est essentielle
Shawna insiste sur le fait qu’une planification préalable et réfléchie est essentielle pour protéger l’avenir du chalet familial. Les structures juridiques comme les conventions de partage d’actifs ou les fiducies peuvent aider à garantir que les chalets sont transmis conformément aux souhaits du propriétaire, tout en évitant les pièges juridiques et financiers potentiels.
« Les familles attendent souvent trop longtemps avant d’avoir ces discussions, pensant qu’elles pourront gérer le problème plus tard », dit-elle. « Le fait d’avoir un plan dès le départ — qu’il s’agisse de vendre le chalet ou de le garder au sein de la famille — vous aidera à éviter les conflits et à assurer une transition en douceur pour les générations futures. »
Dans les cas où les familles possèdent des chalets dans plusieurs provinces ou pays, Shawna recommande de consulter des experts juridiques et fiscaux qui connaissent leurs lois spécifiques. Les différents pays, États et provinces traitent le partage des biens différemment ; il est donc important d’avoir un plan détaillé qui prend en compte de tous ces facteurs.
La passation d’un chalet familial ne se limite pas à des considérations d’ordre sentimental. Comme le rappelle Shawna, « c’est une décision complexe qui nécessite une communication ouverte, une planification financière et parfois une protection juridique ». Que vous ayez l’intention de vendre votre chalet ou de le transmettre aux générations futures, le fait d’être bien conseillé peut faire toute la différence pour préserver sa valeur patrimoniale.