Alors que je m’entretenais avec Saif Matti, un dimanche matin, dans un café-restaurant local, j’ai vite compris pourquoi ses collègues de classe l’ont élu président de la Fédération des associations étudiantes en médecine dentaire canadiennes (FAEMDC) qui regroupe les associations d’étudiants en dentisterie dans les 10 programmes dentaires canadiens accrédités et représente une voix nationale unifiée pour plus de 2 000 étudiants en médecine dentaire au Canada. Saif est un excellent communicateur, faisant preuve d’intelligence, de finesse et de dévouement. Étant également optimiste, il possède toutes les caractéristiques pour être un excellent dentiste.
Devenir président de la FAEMDC en pleine pandémie fut tout un défi. Sa première tâche a été de faire face à la baisse considérable et soudaine du taux de réussite aux examens du Bureau national d’examen dentaire du Canada (BNED). « Pendant une pandémie, il n’est pas étonnant que certains étudiants éprouvent des difficultés. Je me suis d’abord renseigné sur les examens du BNED et la situation en général, puis j’ai parlé à plusieurs étudiants sur Zoom et au téléphone. J’ai ensuite collaboré avec le BNED pour mettre en place des ressources et systèmes de soutien pour les étudiants, y compris des échantillons d’examens cliniques objectifs structurés, des séances d’information virtuelles et la possibilité de passer des examens blancs à certaines universités. »
Saif est étudiant en quatrième année au programme de médecine dentaire de la Faculté de médecine et de dentisterie Schulich de l’Université Western Ontario. Il a été nommé au conseil d’administration de la FAEMDC en 2019 et élu président à l’assemblée générale annuelle en 2021. Il est aussi président du comité des conférences dentaires pour les étudiants et participe à tous les comités et groupes de travail de la FAEMDC. À titre de président de la FAEMDC, Saif fait également partie du comité consultatif du CDSPI, composé de dentistes et d’étudiants partout au pays qui participent activement à déterminer les priorités et l’orientation du CDSPI.
« Essentiellement, j’assiste à plein de rencontres sur Zoom dont plusieurs ont lieu avec des étudiants. J’écoute ce qui les préoccupe et ils en ont beaucoup à dire! Ils s’inquiètent de l’incidence de la pandémie sur leurs études et des examens à venir. Ils me racontent en détail leur expérience universitaire et me font savoir ce qui fonctionne bien ou pas aux événements que nous organisons. Ils sont créatifs et ont beaucoup d’excellentes idées, surtout concernant les projets de défense d’intérêts. Ils sont passionnés et engagés, et je suis fier d’être leur porte-parole par le biais de la FAEMDC. »
Pratiquer l’aspect clinique de la formation dentaire dans le contexte de la Covid n’est pas idéal. Saif a toutefois été impressionné par la façon dont les universités se sont adaptées. « À l’Université Western Ontario, des bureaux ont été aménagés en blocs opératoires dentaires; puisque nous avions une clinique de concept ouvert, c’était la seule façon de continuer notre travail. C’est très inspirant de voir les membres de la faculté sacrifier leur propre confort pour que les patients puissent recevoir des soins et que les étudiants puissent poursuivre leur formation. Cependant, durant les deux premiers confinements, nos cliniques étaient fermées; tout le travail pratique a été interrompu et les cours théoriques ont continué virtuellement. Heureusement, notre faculté a pu s’adapter aux nouvelles réglementations et politiques, et rouvrir ses portes mieux préparée que jamais. Avec la mise en place de mesures anti-infectieuses, nos cliniques sont très sécuritaires. »
Les parents de Saif ont immigré au Canada de l’Iraq quand il était très jeune; leur histoire ressemble à celle de bien d’autres familles. La façon dont ils ont élevé leurs trois fils turbulents témoigne non seulement de la réussite de chacun, mais également des hommes qu’ils sont devenus. « Je ne dis pas que tout était parfait, loin de là, admet-il. Grandir avec deux frères n’était pas de tout repos, mais ils sont mes amis les plus proches. »
Après avoir obtenu un baccalauréat en sciences médicales, Saif a pris deux ans de congé pour économiser et envisager sérieusement ce qu’il souhaiterait faire ensuite. C’est en étant jumelé à un dentiste local pendant quelques semaines qu’il a découvert sa passion. Il a vécu la majeure partie de sa vie à London, en Ontario, et voulait rester dans la région, alors la Faculté de médecine et de dentisterie Schulich de l’Université Western Ontario s’est avéré un choix facile.
Chaque dentiste se souvient de la cérémonie du sarrau blanc, la première fois qu’on revêt notre propre sarrau, ce qui symbolise notre appartenance à la profession. En 2018, les organisateurs de la faculté Schulich ont fait une exception spéciale en permettant à Saif et son jeune frère, Danny, qui commençait ses études en médecine, de recevoir leur sarrau en même temps. Saif garde précieusement dans son cellulaire la photo d’eux ensemble sur l’estrade.
« Danny et moi répétons constamment à notre frère cadet, Ryan, qui est encore à l’école secondaire et plus intelligent que nous, qu’en travaillant fort, il pourra accomplir tout ce qu’il veut dans sa vie ‒ à condition de travailler fort. »
« Vos parents sont-ils très fiers? » Ce n’est certainement pas la première fois qu’on lui pose la question. Il répond en souriant : « Vous savez, mes frères et moi n’avons jamais eu de pression pour devenir des professionnels, que ce soit médecin, dentiste, avocat ni pour exercer tout autre type de profession stéréotype étant synonyme de succès. En fait, la seule chose que nos parents nous disaient, c’était de travailler fort dans tout ce que nous faisions… à l’école, dans les sports ou même dans un emploi à temps partiel. Travailler fort, c’est tout. »
En 2021, les étudiants dentaires de l’Université Western Ontario ont formé le club Dental Entrepreneurship, Business and Innovation (DEBI) dont Saif est cofondateur et ancien vice-président; il a renoncé à ce rôle en raison de sa collaboration avec la FAEMDC. Le club DEBI a pour mission de fournir aux étudiants dentaires des connaissances en affaires et de l’information sur le domaine dentaire dont ils ont besoin pour parfaire leurs études de premier cycle et pour les préparer à leur future carrière.
C’est un splendide exemple d’étudiants qui trouvent de nouvelles façons de communiquer et de créer des occasions d’apprentissage à un niveau national, car certains continuent à apprendre à distance grâce à des webinars animés par des propriétaires de clinique et des experts en affaires.
Lorsque je lui ai demandé quelle est sa philosophie sur la dentisterie, Saif a répondu : « J’aime à penser qu’une visite chez le dentiste n’est que cela : une visite. Je veux que mes patients se sentent à l’aise et qu’ils me fassent confiance pour leur donner de bons soins. Je traite des patients à la clinique cinq jours par semaine; l’interaction entre dentiste et patient est ce qu’il y a de plus gratifiant. Je ne fais pas que remplir les fiches de patient et les renvoyer chez eux. Je leur explique les différentes options, les coûts et la procédure, et je prends le temps de tout prendre en note pour qu’un patient puisse se rappeler de ce dont nous avons discuté et choisir le traitement qui lui convient. Comme le dit l’adage : "traiter les patients comme vous voudriez que l’on vous traite". »
Saif prévoit passer une autre année à étudier dans le cadre du programme de résidence aux États-Unis, puis revenir travailler dans le Sud-Ouest de l’Ontario et peut-être même ouvrir son propre cabinet un jour.